Portrait: Esther Kamatari un modèle pour top model
Née de sang royal au Burundi, elle a fui vers la France en 1969 pour épouser un destin
extraordinaire. D’abord princesse puis infirmière anonyme en exil avant de devenir
le premier mannequin noir à défiler en France puis la première femme candidate à
des élections présidentielles en Afrique noire...
Au Burundi,il est un proverbe qui
dit ‘un oiseau qui ne voyage pas ne sait
pas où le blé est mûr’... Princesse de
son état, Esther Kamatari a eu tôt fait
d’adopter cette maxime issue de son
pays natal. «J’ai eu une éducation royale,
mais mon éducation vient aussi du voyage»,
aime-t-elle à répéter.
Un voyage qui a commencé en 1969
avec sa fuite du Burundi, vers la France,
cind ans après le décès de son père lors
d’un assassinat politique. Un choix qui
tiendra surtout à sa fascination de jeune
fille pour... Alain Delon ! Car la
princesse Esther a tout juste 18 ans
quand elle débarque à l’aéroport du
Bourget.
«Il y avait des Blancs partout, je n’en avais
jamais vus autant», rigole-t-elle
aujourd’hui depuis son domicile parisien.
«Je suis restée fascinée pendant des heures
par le tapis à bagages. C’était comme un
train électrique. Et les distributeurs de
coca! On mettait une pièce et on avait un
coca, c’était magique...»
Aiguillée par un bon samaritain, elle
fait une école d'infirmière chez des
Sœurs de Berck avant de suivre une
première année de droit à la Fac de
Lille. C’est là que son destin la rattrape
en 1972 sous les traits d’un coiffeur qui
l’encourage à tenter sa chance comme
mannequin. Son allure princière et son
côté félin parlent pour elle. Sa curiosité
et son assurance font le reste.
Après tout, n’est-elle pas la fille
d'Ignace Kamatari, frère du roi
Mwambutsa IV, dernier souverain
historique du Burundi.
Elle commence par défiler pour le prêt-
à-porter chez Gaston Jaunet, avec un
premier cachet de 5 000 F. Puis tout
s'enchaîne. La première Noire top model
en France devient vite la première
mariée noire en posant pour Lanvin.
Tout en blanc!
Aujourd’hui, son rang et surtout son
parcours forcent le respect. Elle sait
pouvoir parler et être écoutée. Ce dont
elle ne se prive pas pour faire avancer
les causes humanitaires et sociales
qu’elle défend farouchement.
«Avoir un rang, avoir un titre, ça génère
une responsabilité. Je suis la représentante de
toute une culture liée à l’éducation que j’ai
reçue. Cela me confère certes des avantages,
mais aussi des devoirs. Car c’est avant tout
comme princesse que je suis sollicitée.»
Parce qu’on a suivi sa carrière comme
premier mannequin noir en France dans
les années 70. Parce qu’elle a été la
première à ouvrir des portes. La
première infirmière noire à devenir top
model. La première à se lancer en
politique.
«C’est parfois usant d’être souvent la
première. La gratification ne vient pas de
ce que l’on est en train de faire, mais de ce
que l’on fait pour que les autres puissent
réussir. »
Ainsi préside-t-elle depuis 1990
l'Association des Burundais en France.
C’est le génocide de 1993 qui la
poussera à passer la vitesse supérieure.
Elle se présente dès lors comme la
«princesse des rugo»(habitat traditionnel)
et lance en 1995 l’opération « un enfant
par rugo», qui permet à 500 orphelins de
trouver une famille d’accueil.
Autant d’actions menées en coulisses et
sur le terrain qui ont conduit l'UNESCO
à la consacrer en 1999 comme l'une des
douze «African Ladies». Un titre dont
elle est plus fière que son élection de
‘Miss Fashion’ en 1979, qui marque
pourtant le couronnement de sa carrière
de top model international. Elle va
même jusqu’à poser sa candidature aux
élections présidentielles de son pays en
avril 2005. En vain. Son tout dernier
combat ? Gisèle Iramboha, une jeune
prodige du tennis de table victime de
l’épuration ethnique au Burundi et qui
attend en France depuis plus de deux
ans un statut de réfugiée politique.
«Sur cette Terre, il y a de la lumière pour
tout le monde. Il suffit simplement
d’éclairer un peu pour découvrir des gens
étonnants...»
Association des Burundais de France
60, rue de Belle Feuille
92 100 Boulogne (France)
Tél. : 00 33 1 55 60 11 15
Fax : 00 33 1 47 12 00 46
«C’est parfois usant
d’être souvent la
première...»