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13 Apr

Chine - Pas d’avenir sans respect des minorités

Publié par David ROCHE  - Catégories :  #Société


Si la Chine souhaite conserver son unité, il est essentiel qu’elle prenne en compte les spécificités locales. Un point de vue étonnant sous la plume d’un éditorialiste chinois.

Ces dernières semaines, trois sujets ont polarisé l’attention des médias : les terroristes du Xinjiang [une tentative d’attentat à la bombe dans un avion aurait été déjouée], les émeutes tibétaines à Lhassa et l’élection présidentielle à Taïwan. Le gouvernement chinois a compris que l’année 2008 serait l’occasion rêvée pour se glorifier, mais qu’elle obligerait également à faire face à de nombreux défis. Dans une Chine unie dans son désir de revenir sur le devant de la scène internationale, les projecteurs ne mettront pas seulement en lumière le côté faste, ils feront aussi ressortir de façon évidente les troubles, l’instabilité et l’agitation, jusqu’ici dissimulés. La question des nationalités a souvent été, dans l’histoire de la Chine, le préambule ou le corollaire de l’éclatement de crises globales. Loin de moi l’idée de faire une analogie maladroite entre le problème auquel la Chine est confrontée à présent et le déclin de ses dynasties par le passé. Car la Chine est aujourd’hui bien plus puissante que jadis. Elle dispose de la force nécessaire pour faire face à ces conflits.

Il faut s’intéresser aux spécificités de la culture de ces régions

Néanmoins, il lui faudra se pencher de façon plus objective sur la question des nationalités. Car ces cinquante dernières années montrent, au Tibet comme au Xinjiang, que l’assistance matérielle et la propagande musclée n’ont pas donné les résultats escomptés. Au contraire, cela pourrait se traduire par une destruction de la diversité culturelle, c’est-à-dire la source dans laquelle viennent puiser le génie créateur et la vitalité de la Chine. Le 15 mars, lorsque j’ai appris qu’il y avait eu des affrontements à Lhassa, je me suis senti désemparé, ne sachant pas comment réagir. Depuis des années, j’ai toujours préféré éluder les questions du Tibet, du Xinjiang et de Taïwan. Je n’aime pas que toute discussion sur la Chine finisse toujours par se focaliser sur ces trois régions et aboutisse à une simplification systématique. Par ailleurs, le fait qu’on bute toujours sur l’aspect sensible de ces sujets semble révéler notre paresse intellectuelle et notre étroitesse d’esprit. D’un autre côté, je dois reconnaître que je sais très peu de choses sur ces trois régions. Depuis que je vais à l’école, les deux principes les plus importants que l’on m’a enseignés, et que j’ai acceptés, ont été la cohésion du pays et la dignité nationale. On peut douter de la politique du Parti, on peut contester le gouvernement, mais personne n’a le droit de s’élever contre l’unité du pays ni de porter atteinte à la dignité nationale. Et toute velléité séparatiste est considérée comme le plus grand outrage à cette fierté. Enfin, on nous a aussi inculqué une autre vérité, celle qui dit que le territoire de la Chine a toujours été immense, et que c’est depuis l’époque moderne qu’il s’est progressivement réduit [sous l’effet des attaques étrangères].
Nous avons souvent tendance à oublier que le territoire actuel de la Chine est le produit des multiples campagnes guerrières menées par les générations précédentes, pour conquérir, négocier, assimiler, unir par le mariage. Jusqu’à la dynastie Tang, le centre politique et économique de la Chine se situait au nord, et la diffusion de la civilisation chinoise aurait été le fait de l’expansion des habitants du cours supérieur du fleuve Jaune. Mais, par la suite, le centre [politique et économique] s’est déplacé vers le sud, et les régions regorgeant de riz du cours inférieur du Yang-Tsé auraient alors tenu un rôle de plus en plus prépondérant. Qui a voyagé dans ce pays connaît les différences flagrantes qui existent entre les dialectes du Shaanxi, du Sichuan, du Fujian, du Guangdong et du Yunnan [régions diamétralement éloignées]. Toutes ces provinces pourraient facilement devenir des Etats indépendants, à l’instar des différents pays européens. Cependant, elles restent miraculeusement soudées et affirment leur identité chinoise sans jamais la remettre en question, bien que des conflits les aient toujours agitées. Le vaste territoire chinois, tel qu’il s’est constitué sous la dynastie Qing [avant la prise du pouvoir par les communistes] est l’aboutissement de campagnes successives. Avant que la flotte britannique arrive en mer de Chine méridionale, l’empire du Milieu était un pays très puissant, incluant différentes nationalités. Sous les dynasties successives des Han, des Tang, des Ming et des Qing, les frontières ont évolué, mais cet ensemble s’appelait toujours la Chine.
Mon approche pourrait susciter un malentendu, en laissant croire que j’ai un penchant pour le séparatisme. En réalité, considérant l’intérêt de mon pays ou mon sentiment nationaliste, je ne crois pas au bien-fondé du séparatisme. Les positions défendues par ses partisans sont souvent aussi futiles et brutales que notre propagande idéologique. Ce que je veux dire, c’est que, si nous refusons d’examiner de près nos traditions historiques, si nous refusons de nous intéresser de façon sincère aux spécificités de l’histoire et de la culture de ces régions aujourd’hui en ébullition et de les comprendre en profondeur, nous aurons bien du mal à entretenir un sentiment réel d’unité nationale. Utiliser l’idéologie pour imposer l’unité risque de susciter des réactions contraires encore plus fortes et de conduire à une confrontation entre ignorants qui s’accusent et s’humilient mutuellement.

* Coéditeur de la revue cantonaise Shenghuo (City Magazine) et chroniqueur pour le site Internet en chinois du Financial Times.
 
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