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04 Oct

Voyages aux Abbesses

Publié par Amnésie Collective  - Catégories :  #Poésie - Slam - Chants

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Nous sommes non loin de la Place Pigalle, la Nuit tombe, et Djeb arpente la rue André Antoine. Il adore passer par cette rue pour monter dans le quartier des Abbesses, puis se poser à la terrasse d’un café, afin de méditer, réfléchir, sentir l’atmosphère de la rue et des passants habitués ou touristes. Il aime profondément saisir l’inconnu pour abreuver son imaginaire.

 

Bien loin de son univers de jeune cadre dynamique, au service d’un monde tertiaire, il s’évade, rêvasse, écrit et parfois fait des rencontres aussi farfelues que douces et hasardeuses. Bien que parisien, il se plaît à avoir un petit côté touriste provincial qui vient à Paris. Souvent il lève les yeux et contemple les immeubles par ci par là.

 

Certains de ces immeubles ont été habités par de grands peintres, comédiens, écrivains ou chanteurs. Il s’imagine alors avoir été l’ami de Boris Vian ou de Prévert et avoir échangé avec eux des sujets graves de l’actualité, de la politique, mais aussi les maux de chacun faisant naître alors la profondeur de leurs poèmes et livres.

 

Après avoir consommé quelques centilitres d’un fameux verre de côte rotie, la feuille nue et le stylo à la main, commence alors l’évasion des poètes en attendant son mystérieux rendez vous. Djeb se met alors à virevolter des comptes pour enfants pas sages à l’opéra de lune en passant vipère aux poings à j’irai cracher sur vos tombes.

 

Le rythme, le décor, la musique, l’ambiance, le vieux Pigalle, les noctambules, tout semblait être réuni pour faire naître, vivre et prospérer la création. Le temps de l’art et des artistes, s’y serait–il arrêté ?

 

Poursuivant sa réflexion quelques centilitres de côte rôtie plus loin, les lumières de la nuit se font relief, les odeurs d’un Cohiba et les rires, de la gaîté et de l’exubérance commencent à pointer leur nez. L’ivresse de la nuit commence à faire son effet, et les discussions à voix hautes réchauffent cette atmosphère automnale sur les terrasses.

 

Serait il devenu peintre en un instant, et aurait il troqué sa plume pour un pinceau ? Aurait-il en un coup d’un seul saisi une photo, une image, un instant de la vie d’un être pour en faire une toile ? Cet homme barbu, farfelu, à la grosse voie, aux guenilles multicolores, semblant sortir d’un long périple au Ladakh lui aurait il donné le ton de l’œuvre. Le regard figé de Djeb sur son sujet, prêt à en découdre avec sa toile, semblait le plonger dans un univers fantasmagorique.

 

La bouche de métro en fond, et ces jeunes femmes dont le dessin semble si parfait, la vieille triumph rutilante de chrome, les odeurs de marijuana du rasta, le saxophoniste posé sur une marche et discutant avec des touristes japonais. Les sonorités Gainsbouriennes de ce Bar à vin remplis de joie et de détresses, de couples et de solitudes, d’infidélité et d’Amitiés. Tout y était pour faire exploser la peinture sur une toile et se fondre à celle ci, pour n’être plus qu’un. Le peintre sous l’emprise de sa toile, fait corps, se fondant et se confondant à celle-ci, dans le seul but de n’extraire que la plus pure des essences, celle de l’orgasme pictural, fait cracher de mille feux les ombres et les lumières de ce décor fantastique.

 

A cet instant Djeb, était il possédé par l’un de ses anciens résidents ? S’était il assis à la place de Pablo Picasso, Aurait il bu le même vin que Maurice Utrillo ou encore aurait il effleuré une Pierre Montmartroise vénérée par Henri de Toulouse Lautrec ? N’y aurait-il pas eu l’éclatement d’un atome réunissant au plus profond de son être ces peintres de talent, lesquels se seraient emparé un instant de son esprit pour savourer encore les bienfaits du quartier des Abbesses ? 

 

Le plaisir redescendant progressivement, car nul orgasme ne perdure, Djeb, apaisé, semble retrouver ses esprits.

 

Le temps passe et défile, arrivé très en avance, son invité très en retard, il savoure son verre de vin délicatement, le regard affuté et contemplatif. Défile alors des chansons de Philippe Katerine, Alain Bashung ou Arthur H, et cet univers parfois déjanté ou riches de mots et de sens, lui fait perdre de nouveau le fil de la vie, du temps et de la réalité. Le costume sombre du personnage se transforme progressivement pour une allure plus underground, la cravate détachée finira par se perdre dans sa besace, oubliée à presque jamais. La mélodie, le phrasé, et la symphonie, tout à coup se confondent. Un nouveau voyage s’offre à lui, et les destinations aussi riches que variées le plongent soudainement dans une évasion symphonique hors norme. La voix douce et suave de Fréhel vint alors se mélanger à l’univers électro de Cassius, emporté par l’harmonie de la symphonie fantastique de Berlioz. Le temps alors devenu sans repère fait alors la sourde oreille à l’urbanisme et n’ouvre alors ses portes qu’à l’oreille musicale de ce personnage encore si inconnu et complexe qu’est Djeb.

 

Le voilà toujours seul, inconnu et mystérieux, le visage doux et rieur et pourtant si énigmatique. D’allure classique et intemporel, il aurait pu être assis ici dans les années 30, dans les années 50, ou même dans un autre siècle,  et pourtant il est bien assis là, à cet instant, en 2012. Peut être aurait-il pu faire partie des acteurs des films de marcel carmé tels que Quai des brûmes ou Hôtel du Nord, ou bien dans un film de Claude Lelouch dans romans de gare ou un homme et une femme. Son allure, son visage polymorphe, et son regard énigmatique aurait pu lui valoir des rôles dans différents scénarii.

 

Djeb se met soudainement à ranger sa plume, et sa feuille remplie de notes, de mots, de phrases, et de gribouillis. Tel un carnet de voyages, il songera sûrement à ses nombreux périples Abessiens parcourus autour de ce verre de côte rôtie.

 

Le temps a changé, et se presse, une lumière radieuse arrive à grands pas et sourire aux lèvres, se dessine alors une silhouette aux courbes majestueuses, dont le galbe est parfait.

 

Djeb se lève, saisit sa besace pleine de voyages et disparaît avec son invité. Ils descendent à grands pas la rue André Antoine pour se perdre non loin vers d’autres lieux de plaisirs dont la destination demeurera aussi secrète que le personnage dont il fait corps…

 

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